Dominik Moll, maestro du film d'enquête
Mardi 14 octobre, Dominik Moll a animé une Masterclass pleine d’entrain ! Du parcours scolaire aux anecdotes de repérage, le réalisateur s’est livré devant un auditoire captivé.
La rencontre était animée par Aurore Renaut, Directrice de l’IECA et Maîtresse de Conférences.
👇 Retrouvez ci-dessous quelques extraits marquants de cette masterclass.
📺 Pour la version complète, la captation vidéo est disponible sur UL TV.
Sur la naissance de son intérêt pour le cinéma :
« J’ai fait des études de cinéma très longues. Mon intérêt pour le cinéma est venu progressivement, ce n’était pas du tout une évidence. Je ne connaissais personne qui travaillait dans le cinéma, ni dans ma famille ni dans mon cercle d’amis, donc ça me paraissait quelque chose d’assez lointain et un peu inaccessible.
Quand j’ai commencé à m’y intéresser, vers 17-18 ans, je me suis abonné aux Cahiers du cinéma, mais je ne comprenais rien. La revue était dans une phase très conceptuelle à l’époque, donc je me disais : « Ça a l’air hyper compliqué, ça ne sera peut-être pas pour moi. »
Puis je suis tombé sur le livre d’entretien Hitchcock/Truffaut, qui a été vraiment une révélation. Je vous le recommande à tous si vous ne l’avez pas déjà lu. Il passe en revue tous les films d’Hitchcock et parle de choses très concrètes : le langage de la narration cinématographique, pourquoi utiliser un gros plan à tel endroit, pourquoi faire un mouvement de caméra à tel moment, comment utiliser la musique, le jeu des comédiens… tout ça de façon très concrète et pratique.
À ce moment-là, je me suis dit : « En fait, ce n’est pas du tout quelque chose d’abstrait ou de conceptuel, c’est quelque chose de très concret. » Ça m’a rassuré et décidé à pousser plus loin. »
Sur son expérience à New York  :
« Je suis parti deux ans aux États-Unis, dans un petit département d’une université publique à New York. Là-bas, ils avaient vraiment du matériel. À Paris 8, on était plutôt dans l’analyse de films, mais à New York, ils avaient des caméras 16 mm, des tables de montage… C’est là que j’ai tourné mes premiers courts-métrages en 16 mm noir et blanc.
Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est que les premiers exercices étaient muets : il n’y avait pas de son, il fallait que tout soit compris visuellement. Ça a été une super école. On ne pouvait pas s’appuyer sur les dialogues, il fallait réfléchir au découpage. Après, nous avons aussi fait des courts-métrages avec du son, évidemment. C’est là que j’ai découvert que toutes les étapes de fabrication — l’écriture, la préparation, le choix des comédiens, le tournage, la lumière, le son, le montage — me plaisaient vraiment et me correspondaient. »
 
						Sur l’influence d’Hitchcock
Aurore Renaut : On va passer à Seules les Bêtes, qui est aussi un polar. On pourrait même dire un polar avec résolution, dans la mesure où La Nuit du 12 ne l’est pas, et presque aussi Dossier 137. Je ne veux pas trop spoiler, mais dans Seule les Bêtes, la question de la résolution est centrale. Vous êtes un grand admirateur d’Hitchcock, est-ce que c’est là aussi une référence ? 
Dominik Moll : Hitchcock, pour moi, c’est une référence constante. Pas dans le désir de le citer, mais dans l’idée du travail : le découpage et surtout le point de vue. Quand on raconte une histoire, de quel point de vue la raconte-t-on ? Cela peut être un point de vue unique, ou plusieurs. Par exemple, dans Seule les Bêtes, ça commence vraiment par le point de vue de Michel, joué par Laurent Lucas. À un moment, on passe dans le point de vue de Harry, puis on alterne entre les deux.
Selon que, la scène soit racontée du point de vue de Harry ou de Michel, on ne filme pas, on ne découpe pas et on ne met pas en scène de la même façon. C’est une question très importante, que l’on retrouve dans les entretiens Hitchcock/Truffaut, et qui a évidemment à voir avec l’identification : quand on regarde un film, on s’identifie à un personnage ou plusieurs, et c’est la porte d’entrée dans le film.
Sur le film de genre
« L’intérêt pour le film de genre a toujours été là. Mais au cours de ma carrière, j’ai commencé à y glisser des sujets plus sociétaux. Par exemple, Harry, un ami qui vous veut du bien, qui se passe en 2000, aurait aussi bien pu se passer en 1980 qu’aujourd’hui. C’est assez intemporel, entre guillemets.
Dans Nouvelles de la planète Mars, il y a aussi des questionnements sur notre société. Ce que j’aime dans le film de genre — que ce soit le polar ou l’horreur —, c’est que les codes du genre permettent de faire passer d’autres choses, tout en jouant avec ces codes. Aux États-Unis, par exemple, La nuit des morts-vivants évoque aussi l’angoisse de la guerre froide et de la menace atomique. Les premiers Godzilla reflètent une angoisse écologique.
Il est important que le spectateur soit d’abord dans l’histoire, dans les personnages, dans l’humain. Il ne faut pas se dire : « Je vais traiter un grand sujet, ça va être formidable. » Cela doit presque venir dans un deuxième temps. »
Sur le choix des comédiens
Aurore Renaut : Sur la question des castings, vous avez des acteurs identifiés ou pas ? Par exemple, Bastien Bouillon n’était pas encore très connu ?
Dominik Moll : La nuit du 12 a vraiment lancé sa carrière. Même s’il avait fait des choses avant, il était plutôt cantonné à des seconds rôles. Là, c’était la première fois qu’il avait un vrai premier rôle, dans un film beaucoup vu, pour lequel il a eu un César. Cela a lancé sa carrière de façon très méritée, parce que c’est un super comédien.
J’aime bien travailler avec des comédiens pas trop identifiés. Même si j’ai aussi travaillé avec des acteurs très connus, par exemple dans Dossier 137, le rôle principal est tenu par Léa Drucker, mais autour, ce sont des comédiens beaucoup moins identifiés. Cela crée quelque chose de stimulant. Je demande à la directrice de casting de me présenter des gens dont je n’ai jamais entendu parler. Ensuite, à travers des essais vidéo, on sélectionne peu à peu. J’aime que l’on découvre les comédiens comme les personnages du film, et non comme les rôles qu’ils ont déjà joués. C’est très plaisant et stimulant en tant que réalisateur. »





